C O N C L U S I O N S

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Dans un travail tel que celui-ci, il est peut-être d'usage de finir sur une péroraison bien sentie. Et tous les manuels de rhétorique tiède recommandent de ne point laisser l'auditeur dans un état de confusion ou d'exaltation, d'où pourraient s'ensuivre des conséquences funestes. Etant donné notre caractère plutôt pessimiste, cela nous sera difficile, nous allons néanmoins essayer.

"J'ignore encore quelle est l'éthique du système que j'ai ébauché. Je ne sais même pas s'il en existe une" écrit Borges quelque part dans Enquêtes ou Discussion, sans doute dans Nouvelle Réfutation du Temps.
Héraclite a dit "Tu ne te baigneras jamais dans la même baignoire", et Kierkegaard nous a averti qu'une harmonie qu'on doit défendre par des moyens inharmoniques, n'en est pas une vraie.

Fort bien.

Mais notre solitude ne se console pas à cet (in)élégant (des)espoir (4 combinaisons possibles, toutes pertinentes).

Regardant un peu en arrière, nous ne sommes pas changé en statue de sel, mais nous distinguons un paysage ravagé par la lutte que la discorde mène contre el1e-même, et ses successions; et nous l'avons encore derrière la tête, nous ne la verrons jamais en face. Paysage dans lequel nous avons déja perdu quelques illusions et bien davantage d'ami(e)s, en frayant notre passage, par essais-erreurs.
Pouvons-nous établir une carte du chemin parcouru? A peine. En gros, mais pas dans le détail. Cela prendrait trop de temps et d'énergie, créerait des incertitudes. La carte serait aussi grande que le territoire, et ne coïnciderait pourtant ni avec lui, ni avec elle-même: les ponts de divergence sont trop nombreux.

(Notons pourtant qu'i1 est possible de classer la Bibliothèque de Babel: le bête ordre alphabetique y suffit. Tâche fort longue, mais non infinie. Notons aussi que 1'épistémusicologie contient, dans son rayon historique, tout ce qui touche à la Lyre d'Hermès, et donc aussi cette note de Fulcanelli (Demeures Philosophales, p.559):

Les mozartiens seront sans doute ravis d'apprendre, s'ils ne le savent déjà, que St Hermès est le patron de la ville de Salzburg.

Remontant les filières de ce jardin aux ronciers qui bifurquent, nons retrouvons de nouvelles notes, de nouvelles perles, dans les crevasses laissées par le séisme. Parapluie et machine à moudre se sont rencontrés sur la table de montage, table rase à discords & raccords, c'est dégoûtant. Huit chemins, trois cultures, un carrefour, nous marchons à grands pas vers l'omniarchie. Qui sera omniarque, voilà la question. Tout bu, or not to bu? Il n'y a pas d'éternel retour.

Quoi qu'on en dise, on peut être sûr au moins d'une de ses caractéristiques: le temps, c'est ce qui échappe au discours, même quand, par hasard ou par nécessité, c'est le discours qui l'a créé. Le temps est l'entrepôt, le magasin feuilleté des discordes. Stockhausen, pris entre deux femmes, ayant écrit WIE DIE ZEIT VERGEHT, compose MOMENTE sur le Quantique des Cantiques.

Et puisqu'il en est ainsi, nous allons, une dernière fois, nous citer nous-même.

Scot Erigène (mort à Oxford en 886) avait déjà fait allusion, dans son DE DIVISIONE NATURAE, à l'usage d'une musique à plusieurs parties. Ainsi s'explique la présence, en bas de la p.419, des deux gravures de Dürer: nous ne savions où les mettre. Et voilà qu'on apprend que va étre créé, dans un désert des USA, le plus grand accélérateur de particules du monde; on l'appellera Desertron. Toutes réflexions faites, ces deux gravures sont très bien là-bas. L'étude de la matiernalité des êtres sonores est pleine de surprises, de coincidences qui n'en sont pas, et de redécouvertes d'antiquités.

Pour Héraclite aussi, le feu était déjà aux poudres, le Big Bang est permanent. Chacun y a sa place, l'entrée est gratuite, la sortie est à l'extérieur. Nous nous sommes heurtés au problème de l'équivalent universel en musique, et s'il n'exîstait pas? Et si la musique, en tant qu'"imitation de la nature dans sa façon d'opérer"(cf D. Charles, Gloses sur Cage, p.172) était bien, essentiellement, gratuite ? Le mot même le dit, neg-otium, le négoce, c'est le non-loisir. Le désoeuvrement, c'est donc le non-négoce. Si on en fait un travail, c'est raté.

Quelles feuilles? Quels champignons?

Tous les mots qui expriment l'idée de hasard sont liés à l'idée de chute (chance), de dés (alea, al zahr), de trajectoire (stochastique). Gravitation et balistique. Les forces que s'exercent les unes sur les autres les masses sonores les conduisent à s'agréger, alors que les discordes internes provoquent l'auto-division de la matière sonore. Ainsi naissent les notes, et les galaxies.

On concluera donc, pascaliennement, à la nécessité d'inviter, atout hasard, la discorde au banquet de la vie (elle viendra peut-être, déguisée en musique). Ou alors, prendre le risque qu'elle s'invite elle-même.

Avec ses pommes.