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VIDEO CINE TROC
15 passage de la Main d Or
75011
Paris - Tél. 806.55.00
Paris, 25 / 6 / 82
I - QU'EST-CE QUE VCT ?
Je comptais profiter de 1'été 82 pour rédiger un
rapport d'orientation sur VCT, rapport sur lequel j'aurais engagé ma
responsabilité présidentielle pour les temps à venir ( sic
).
Les événements s'accélérant, plus le malaise,
1'incertitude et les mini-crises, je n'en aurai pas le temps.
Voici donc
juste quelques notes pas très structurées, ni même très
complètes, pour 1e C.A. du 30 juin. Pour 1'emploi de la métaphore,
le style rédactionnel, cette fois, doit beaucoup à Yvon Gattaz .
I - QU'EST-CE QUE VCT ?
Bien malin qui pourrait le dire en détail.
Socrate, pressé de définir ce qu'était un mélange de mélanges, ne put y arriver explicitement, mais en donna quelques exemples: la santé, la musique, la pluie et le beau temps, les choses vagabondes de par 1e monde... Ce que Michel Serres traduit en français: le tempérament, le tempérament encore, la température, la tempérance, le temps qu'il fait. Soit, en latin, toutes choses qui ont rapport au tempus (lequel contient une idée d'accumulation de choses variées; JL Borges avait fort bien vu cela aussi dans sa critique de Korzybski). Alors que les Grecs, comme on sait, ne disposaient que du mot chronos.
Alfred Jarry, en son Ethnographie d'un Peuple Étranger à la Chine (in Les Jours et les Nuits), parle de ces chasseurs "dont les têtes peuvent voler vers les arbres pour saisir des proies, reliées par le déroulement d'un peloton rouge, et reviennent ensuite s'adapter à leur collier sanglant... mais aussi qu'il ne faut pas qu'un certain vent souffle, car, le cordon rompu, la tête dévolerait outre-mer... Comme lorsqu'on court avec le cerf-volant sous les poteaux télégraphiques".
Je me hasarderai donc à risquer la définition suivante de VCT, qui vaut ce qu'elle vaut et durera bien l'espace d'un été :
VCT tient à la fois du nuage et du ballon-sonde, éventuellement dirigeable et automoteur, dans le tourbillon s'accélérant de la société du spectacle.
(Autre bref rappel d'origine serrienne : on a trop oublié que le Discours de la méthode, de Descartes, n'était que la préface d'un bien plus gros ouvragc consacré aux Météores ! Eh oui: Descartes - Epicure, même combat. Les alchimistes de l'école Fulcanelli rappellent la part prise par Cyrano de Bergerac dans la constitution de la physique scientifique, allant même jusqu'à insinuer que ce n'est pas par hasard qu'il mourut d'une poutre sur la tête, 2 ans après avoir "accepté un protecteur": un vaisseau spatial voyage aux États et Empires de la Lune et du Soleil : il a le nez creux et navigue au pifomètre.)
La dimension fractale des nuages - ou plus exactement de leurs projections
au sol - , on le sait maintenant, est égale à 4/3. Au moment même
où VCT commençait à exister, en 1977, Jean-Etienne Marie
faisait jouer à Rouen une pièce musicale (Tombeau de Cesaire
Levillain), en 2 parties, qui s'intitulaient tout bêtement 1) Fractal 2)
Randon . I1 faut rappeler ici que le vieux mot randon, qui a donné en
français randonnée et en anglais random, désignait un mode
particulier de chasse à courre. Qu'est-ce donc qu'un randon, sinon un
fractal sans homothétie interne ?
Car s'il y avait une homothétie
interne, la bête poursuivie deviendrait prévisible, et serait bientôt
prise.
Il faudrait aussi faire appel aux syntagmes déjà presque figés de développement par bifurcations et arborescentes, structures dissipatives, temps interne irréversible. Comme le disait si bien Pierre-Olivier, on pourrait aussi bien mettre la clé sous la porte, laisser un répondeur, et on verrait bien à qui l'on manque. Bref, tout ceci pourrait bien nous mener à une "conclusion d'une brutalité hégélienne: leur civilisation a disparu; tout ce qu'il reste d'eux, c'est le thé glacé" (Guy Debord, Réfutation...). Ou bien, plus platement: l'être de VCT se réduit, en première approximation, à son devenir. On eût pu s'en douter.
II - MESSAGE SUR L'ETAT ACTUEL DE LA DÉSUNION
On traitera plus bas du fonctionnement "interpersonnel", "subjectif"' de VCT. On s'intéressera ici seulement à la navigation, serrée et difficile, entre les icebergs institutionnels, internes et externes, dans ce passage du Nord-Ouest, ces dire straits, où nous nous sommes, après tant d'autres dont les cadavres encombrent la route, risqués.
La recherche fondamentale est toujours informelle (en un sens, tant mieux !), ou plutôt en panne. On avance lentement dans un milieu visqueux. Que se profile-t-il dans cette brume marécageuse ?
§ 6a ) Restructuration de l'audio-visuel
associatif :
Grâce à une politique judicieuse, VCT se
trouve dans le peloton de tête des usagers de la-dite restructuration (cf.
Rencontres de Marly 82 et 83), et quasiment leader dans le secteur de la
documentation (cf. ARIA). C'est très joli, mais quelle est cette vague
que nous chevauchons? Pour qui sont ces serpents qui sifflent sur nos têtes?
I1 s'agit bien évidemment d'un filtrage du bruit de fond social, qui
pourrait bien n'aboutir qu'à souffler quelques idées exsangues à
une bureaucratie culturelle complètement à sec. Dans ce cas,
disons-le clairement, il y a des jours où il vaut mieux rester au lit.
Mais ce n'est pas parce que nous approchons de quelques échéances
décisives, que cette partie est d'ores et déjà perdue.
Aggripine, dit-on, n'avait pas craint de prêter la main aux désirs
d'Auguste; nous éviterons d'être les conciliateurs du système
avec son avenir le plus prévisible.
§ 6b ) Le son et la musique électroacoustique
:
Nos stages de son n'ont jamais marché. Ceux d'Agnel à
Marly, quand ils arrivent à se tenir, sont sous-peuplés. La grève
qui vient d'échouer au Conservatoire de Pantin sonne le glas d'un des
rares lieux où c'était possible, pour pas cher. Pendant ce temps,
les radios "libres" balancent à tout-va du disque lessive et du
téléphone des auditeurs. Il y a sûrement mieux à
faire.
§ 6c ) L'informatique :
même topo,
sous une autre forme. Les ménagères de Télétel -
Velizy ont rangé leurs splendides terminaux dans les placards à
balais. Motif: pas de programmes. mais au mieux, ça serait aussi excitant
que les 3 Suisses. Par ailleurs, je veux bien croire aux travellings fractals
(i.e. qui génèrent leurs propres détails au fur et à
mesure de leur progression), mais pour l'animation, je trouve que Walt Disney
faisait mieux (peut-être simplement parce que c'est du travail bâclé?).
Là aussi, il y a sans doute mieux à faire.
Comment
allons-nous faire ? Nous n'allons créer ni notre département électroacoustique,
ni notre département informatique, alors qu'il y a sûrement
ailleurs des gens qui s'en occupent déjà, et avec qui l'entente
serait possible. I1 faut les chercher, les trouver, et voir avec eux ce qui est
possible, même si pas forcément pour tout de suite.
§ 6d ) Les Arts Graphiques :
Et pourquoi
pas, hein? Tant qu'on y est? Le Tacon avait proposé des stages de
photocopie, Jérôme des stages de photographie... I1 est certain que
ce genre de marché n'est pas précisément porteur, mais il y
a beaucoup à faire avec les anciennes techniques, qui n'est pas possible
ou beaucoup plus cher avec les anciennes. Je mets au défi n'importe quel
ordinateur graphique de réaliser aussi vite et aussi bien ce que faisait
Kamler en film d'animation avec une caméra simple, un bac à sable
et de la lumière rasante.
III - FONCTIONNEMENT INTERNE ET POTENTIELS DE MEMBRANE
Le copinage est nécessaire, le progrès l'implique. Rien de bon ne se fait dans ce domaine - qui, après tout, est d'ordre artistique et post-artistique - sans une bonne dose d'affectivités de tous poils.
Les rapports de groupe, l'intersubjectivité, remplacent souvent avantageusement les programmes. On devrait savoir suffisamment comment fonctionnent ces derniers, pour ne pas en être victimes. On n'est pas là pour faire dans le moyen terme et la grisaille.
Encore faudrait-il qu'il y ait intersubjectivité. Or, ces derniers temps, l'effectif des salariés a doublé (de 4 à 8), sans compter les satellites. De plus, il y a quelques cadavres dans les placards, dont certains sont encore fort remuants. Tout cela ne va pas sans malaises et frictions - ces frictions qui sont, selon Clausewitz, le point le plus difficile de l'art de la guerre. N'importe quel spécialiste de l'organisation scientifico-militaire du travail sait d'ailleurs maintenant, depuis au moins Korzybski, qu'un actant ne doit avoir de relations directes qu'avec 4 ou 5 autres au maximum. Même en admettant que nous arrivions à porter ce nombre à 6 ou 7 (parce qu'à force de créativités personnelles égalitairement interconnectées, nous ferions l'économie de l'entropie hiérarchique), nous ne pourrons sans doute guère faire mieux. On ne peut pas faire un grand groupe égalitaire à tous points de vue avec trop de monde, et de fait, certain(e)s sont déjà plus égaux que d'autres. I1 convient donc d'en prendre son parti : saborder, structurer ou scissionner, tel est le trilemme. (On peut aussi prendre le pari de laisser pisser, en suspens, en espérant que ça ne va pas dégringoler trop vite, et que quand ça tombera, ça tombera bien, ça co-incidera: les Grecs, qui n'avaient pas de dieu de la pluie, disaient que Jupiter pisse dans son crible).
Admettons donc que VCT se scissionne/structure en plusieurs sous-groupes, correspondant d'ailleurs plus ou moins aux différents numéros du chapitre précédent. Chaque sous-groupe étant supposé s'auto-organiser, les problèmes se posent évidemment au niveau de la coordination des sous-groupes, et attention, la Direction Participationnelle par Objectifs n'est pas loin. Assez curieusement, cette Doc, dont on dit qu'elle ne sert à rien, va encore nous servir de première expérience sur ce terrain de la différentiation fonctionnelle. On va bien voir dans les mois qui viennent si le projet ARIA est viable; si non, il faudra tâcher de savoir pourquoi; si oui, il faudra tâcher d'en faire progressivement autant avec les autres secteurs...
Claude Nougaro nous informa jadis qu'à Toulouse, "on se traite de con à peine qu'on se traite". I1 ne s'agit pas là d'unanimisme bon enfant pour comédie marseillaise, mais de véritable discorde. La tolérance de la raison impure ne me semble pas incompatible avec les injures, alors que la critique de la raison pure, comparable en cela au sommeil, engendre des monstres. Mais on frise ici le terrain de la politique pure, pour laquelle je ne me sens guère d'affinités et encore moins de capacités. Je pense en tout cas que VCT n'est pas une organisation politique, et n'a surtout pas à le devenir. Beaucoup se sont perdus qui s'y étaient risqués, et qui étaient au moins aussi bons que nous, sinon meilleurs.
Comment, maintenant, organiser les rapports entre ces secteurs ? Par une
conférence régulière des Chefs de Secteur, répondit
l'écho. Ben voyons. Et on appellera ça le Conseil
d'Administration... VCT, en grandissant, commence à affronter les
redoutables problèmes, jusqu'alors irrésolus, de la transition au
socialisme dans une société développée.
Je pense de plus en plus que les problèmes les plus difficiles du développement
de VCT ne situent pas au niveau des idées, de l'organisation des projets,
ni même de la phynance, mais au niveau des "moyens humains". Les
difficultés actuelles de recrutement d'un(e) chargé(e) de mission
pour le projet ARIA l'attestent suffisamment; et si nous ne trouvons personne,
l'étude de faisabilité sera vite faite. Tant que nous n'arriverons
pas à rencontrer des gens nouveaux, et à établir très
vite avec eux des liaisons organiques, VCT restera un mini-groupe de survie. A
moins que les multiples fusées que nous avons au cul, alors que nous ne
pouvons en accepter qu'une à la fois, ne fassent sauter toute la baraque.
Alors, on pourrait à nouveau voir le ciel.
Contrairement aux apparences, le présent texte
constitue un document d'orientation tout à fait sérieux; en termes
lucréciens, VCT n'a fondé sa cause sur rien d'extérieur à
sa propre vérité pratique comme déclinaison permanente.
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