(Extrait de La discorde)
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Travaillant â petite vitesse sur un projet de film à partir de Déserts, de Varèse, nous avons été amené à constater quelques faits curieux, que nous aimerions rassembler ici. 1°) Le schéma ci-dessous fait apparaître une très nette analogie de structure entre le plan de Déserts, et la biographie même de Varèse. On serait donc devant un cas flagrant d'auto-biographie musicale. |
Il est notable que cette analogie se poursuive au delà de la date de composition de Déserts (1954), jusqu'à la fin de l'oeuvre et la fin du compositeur. On peut évoquer l'hypothèse selon laquelle, si Varèse avait vécu plus longtemps, l'oeuvre et sa biographie auraient divergé. Mais il convient alors de faire remarquer que Varèse n'aurait sans doute jamais pu écrire une oeuvre telle que Déserts s'il n'avait déjà eu une vie bien remplie derrière lui. On peut si l'on veut voir des indices en faveur de cette analogie dans les détails suivants: - pour Varèse, le "point culminant" de l'oeuvre se situe entre la fin de la troisième partie orchestrale, et le début de la troisième bande de "son organisé" - c'est à dire au point correspondant à la date même de composition de l'oeuvre; - la seconde interpolation de sons organisés sur bande magnétique (0.S.2) se compose principalement de sons de percussions retravaillés... et correspond à la période de composition de Ionisation, à Paris. (Incidemment, si Ionisation est la première oeuvre autonome pour percussions seules, Chostakovitch avait déjà composé en 1928, pour Le Nez de Gogol, un interlude pour percussions seules.) Enfin et surtout, lors de l'élaboration de ce film, il nous est apparu que les interviews réalisés par Michelle Cohen avec Michel Serres pour son Lucrèce (France-Culture, 1981) "colleraient" parfaitement avec la seconde partie orchestrale, la plus longue et la plus développée. Cette intuition, peu justifiable autrement que par un arbitraire d'auteur, s'explique néanmoins aisément à la lumière des considérations ci-dessus. En effet, on observe que, lors de cette seconde partie, en 1925, fut créée Intégrales (le 1/3/1925, à l'Aeolian Hall, N.Y., direction Léopold Stokovski). Varèse explique lui~même que cet oeuvre est en rapport avec le souvenir des crues de la Saône, qu'il avait pu observer dans son enfance. Le "monde liquide" de Serres-Lucrèce trouve donc ici une correspondance. Mais il y a plus, et le titre même de l'oeuvre le dit: Intégrales renvoie au calcul différentiel à la Leibnitz. Or, pendant que Leibnitz mettait au point son calcul sur le continent, Newton en élaborait un comparable, en Angleterre, sous le nom de Calcul des Fluxions. Varèse a donc écrit là une oeuvre qui nous renvoie, au moins par son titre et ses sous-entendus, à l'hydrodynamique tourbillonaire, et le choix de Serres-Lucrèce pour le passage correspondant de Déserts apparaît, sinon justifié, du moins aisément compréhensible. Après le festival Musica 83 de Strasbourg, consacré au centenaire de la naissance de Varèse, François-Bernard Mache écrivait dans Le Monde:
Il semble bien que oui, en effet. |